Le toucher rectal et le dosage du PSA (Antigène Spécifique de la Prostate) sont utilisés pour dépister les cancers de la prostate. En revanche, c’est toujours la biopsie qui permet de confirmer le diagnostic du cancer de la prostate. Elle permet également d’évaluer l’agressivité de la tumeur et de guider certains traitements focalisées. La biopsie ciblée a dépassé la biopsie standard. Il existe deux techniques : par voie rectale ou par voie périnéale. Parlons-en.
LES BIOPSIES DE PROSTATE
Pour confirmer un diagnostic de cancer de la prostate, une biopsie est réalisée après un examen d’IRM. Cela consiste à prélever des petits morceaux (appelés carottes) de prostate afin d’analyser les cellules au microscope. Cet examen est encore aujourd’hui le seul moyen de faire le diagnostic d’un cancer de la prostate. Mais surtout, après analyse au microscope (anatomopathologie), on peut évaluer le pronostic de la maladie en classant l’agressivité des cellules selon leur grade sur l’échelle ISUP, ou de Score de Gleason coté entre 2 et 10. Ce facteur va être un marqueur très important du pronostic de la maladie.
Aujourd’hui on essaie de personnaliser la prise en charge et de trouver des traitements moins invasifs. Ceci afin de mettre les hommes à l’abri de l’incontinence et de l’impuissance autant que possible. Pour cela, il faut être capable de savoir où se trouve la maladie dans la prostate. Il faut aussi être en capacité d’enregistrer sa localisation pour le suivi du cancer ou pour l’utilisation de traitements ciblés. En France, environ 150 000 hommes recevront chaque année une biopsie de prostate.
LA BIOPSIE STANDARD
La biopsie standard (à l’aveugle) est réalisée généralement sous anesthésie locale. Elle se pratique de moins en moins. Elle est faite à l’aide d’une sonde échographique endo-rectale. La sonde est introduite dans le rectum. Dans cette sonde se trouve un guide au sein duquel passe une petite aiguille creuse pour permettre de réaliser le prélèvement, en s’aidant de l’imagerie échographique. Le plus souvent et dans l’immense majorité des cas, on ne voit pas le cancer dans l’image échographique. Donc, le clinicien ne se sert pas de l’image échographique pour guider une aiguille vers une cible visible mais pour se représenter mentalement dans l’espace la forme de la prostate, de façon à y réaliser des prélèvements étagés et faire ainsi une cartographie.
En général, 12 carottes sont prélevées (6 dans le lobe gauche et 6 dans le lobe droit – en haut, au milieu et en bas de la prostate). L’opérateur a une sonde dans la main, avec une imagerie 2D en coupe transverse. Il se reconstruit la forme de la prostate dans sa tête et il essaie de réaliser une cartographie de biopsie de prostate.
Les problèmes de la biopsie standard
- D’une personne à l’autre, la représentation en 3 dimensions est différente. De plus, un radiologue ou un urologue n’ont pas appris les choses de la même manière, donc il est fort probable qu’ils ne se représentent pas les localisations de la même façon. Il est fort peu probable également que deux radiologues ou deux urologues aient la même représentation. Cela est lié à des capacités cognitives intrinsèques.
- Il n’existe pas d’enregistrement de la localisation des biopsies. On fait des biopsies, on espère les avoir bien faites, mais il n’y a aucun contrôle qualité du geste réalisé.
La biopsie standard a un taux de sensibilité entre 70 à 80 %. Cela signifie ainsi que dans 20 à 30% des cas, les carottes sont négatives alors que les patients sont porteurs d’un cancer de la prostate.
LA BIOPSIE CIBLÉE
Les nouvelles techniques d’imagerie permettent de personnaliser le diagnostic et le traitement du cancer de la prostate. Les biopsies ciblées améliorent la performance diagnostique et permettent d’avoir une précision plus importante. D’ailleurs, elles ont quasiment remplacé la biopsie standard.
Après une IRM de prostate, on sait où se trouve la ou les lésions cancéreuses. Depuis 2012 environ, un logiciel est capable de fusionner l’IRM avec les images échographiques permettant la représentation de la prostate en 3 dimensions et l’obtention d’un véritable volume d’image de la prostate. Le logiciel prend en compte la déformation de la glande (la prostate est mobile, elle bouge avec la respiration, la rétention vésicale et la distorsion du rectum) entre le moment où l’on va faire l’IRM et l’échographie. Ce dispositif permet donc de guider et d’enregistrer la localisation des carottes. L’enregistrement de cette localisation GPS est essentiel dans le suivi de la prise en charge du patient.
En pratique, lors d’une intervention, le patient est allongé sur le côté gauche. Un appareil spécial combine des images d’échographie 3D et d’IRM (imagerie par résonance magnétique). Grâce à ces images, on peut tracer précisément les contours de la prostate. Ensuite, la cible à prélever (visible sous forme d’une boule jaune sur l’IRM) est identifiée. On refait alors la même démarche avec l’échographie pour bien repérer la prostate. Une fois que les deux images sont superposées, cela permet de guider le prélèvement des biopsies exactement dans la zone ciblée (la boule jaune). La précision de ce dispositif est de quelques millimètres.
À la fin, les résultats des prélèvements apparaissent : les zones où des cellules cancéreuses sont présentes sont en rouge, et les carottes négatives sont en vert. Ces informations sont sauvegardées et pourront servir pour d’autres traitements (comme les ultrasons focalisés, la curiethérapie) ou pour le suivi du patient. Cette méthode permet aussi de comparer des biopsies prises à différents moments. On obtient un compte-rendu avec les mêmes informations codifiées pour tous les spécialistes.
Cela rend le processus plus précis et permet un meilleur suivi des patients atteints d’un cancer de la prostate.
L’ajout de ces techniques de fusion d’image augmente la fiabilité des carottes à 90 %. Actuellement, on utilise la biopsie ciblée sur les zones suspectes rendues visibles par l’IRM et on effectue toujours les 12 prélèvements standards (6 à gauche et 6 à droite).
Nota : Après une IRM dite multiparamétrique, un score PIRADS de 1 à 5 est donné par le radiologue. Plus ce score est élevé, plus la probabilité que la biopsie soit positive est élevée. 3 est un intermédiaire, on ne sait pas bien, on peut proposer une surveillance à 6 mois.
LES TECHNIQUES
De façon générale, les prélèvements sont réalisés lors de la consultation avec votre spécialiste par voie endorectale, c’est-à-dire via le rectum.
Il est également possible de les réaliser par voie transpérinéale, en passant par la peau du périnée qui se situe entre les bourses et l’anus. C’est une méthode encore peu étendue car le praticien doit être expérimenté mais elle diminue le risque infectieux puisque l’aiguille ne passe pas par le rectum. 3 études récentes [PROBE-PC (2021), PERFECT (2024), PROVENT (2024)] ont comparés les 2 méthodes en fonction de la localisation des lésions et du taux de détection. Aucune ne se révèle supérieure dans tous les cas. Le choix dépend du profil du patient, des ressources disponibles et la localisation des lésions mises en évidence à l’IRM. L’une ou l’autre voie pourra être privilégiée. La voie transpérinéale est souvent proposée pour son moindre risque infectieux chez les patients ayant eu une prise récente d’antibiotiques et d’antécédents d’infection à germes résistants.

Symptômes et complications après biopsie
Après la biopsie, il est conseillé aux hommes de boire suffisamment d’eau (environ 2 L).
Durant quelques jours, jusqu’à deux semaines, on constate des traces de sang dans les urines, le sperme ou les selles, c’est une situation normale. Quelques heures après les prélèvements, vous pourrez constater la présence d’un inconfort et de douleurs périnéales. Par voie transpérinéale, la présence d’un hématome au niveau du périnée lors d’une biopsie est possible.
Il est possible de présenter des complications dans 2 % des cas : la présence de fièvre, malgré les précautions et la désinfection du site lors de la réalisation de la biopsie. En effet, la fièvre est souvent due à la présence de germes sur la paroi du rectum, qui, lors de la biopsie passent dans le sang. Cette fièvre est souvent le signe d’une prostatite aiguë (inflammation aiguë de la prostate). Elle plus de la fièvre, d’autres signes fonctionnels urinaires peuvent se manifester telles que des brûlures lors des mictions, l’envie fréquente d’uriner et parfois, l’impossibilité totale à uriner, ainsi qu’une gêne et/ou des douleurs périnéales. Tous ces signes apparaissent généralement dans les 48 à 72 heures après la réalisation de la biopsie. Après ce délai, il faut contacter son urologue ou se rendre aux urgences de l’établissement hospitalier le plus proche. Généralement, un traitement antibiotique est prescrit au patient pour quelques semaines.
Pour prévenir ces complications, une prescription d’antibiotiques est possible en amont pour diminuer le risque infectieux. Au besoin, on vérifiera avant l’absence d’infection urinaire. Pour éviter un risque hémorragique, les biopsies ne seront pratiquées qu’après s’être assuré que la coagulation sanguine est normale et de l’interruption de traitements anticoagulants comme l’aspirine par exemple.
Conclusion
La biopsie de la prostate reste un élément incontournable pour confirmer un diagnostic de cancer de prostate et déterminer l’agressivité de la tumeur après analyse au microscope. Les biopsies ciblées guidées par fusion d’images IRM et échographie, permettent d’améliorer la précision des prélèvements et d’augmenter les chances de détecter des cellules cancéreuses avec un taux de fiabilité proche de 90 %. Cette technique offre un suivi personnalisé aux hommes pour adapter au mieux la prise en charge et préserver autant que possible la qualité de vie. Pour en savoir plus sur le déroulé et les points d’attention la biopsie de prostate, nous vous conseillons la lecture d’une fiche patients rédigé par l’Institut National du Cancer (INCa) : https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Se-faire-soigner/Traitements/Examens/La-biopsie/Biopsie-de-la-prostate
Questions-réponses
Question : Les biopsies ayant quelques inconvénients, est-il possible de diagnostiquer un cancer sans biopsie ?
Réponse Pr MOZER : Non, aujourd’hui en France, on ne fait pas de traitement sans preuve anatomopathologique parce qu’il s’agit de « la vérité terrain ».
Question : Pour les métastases ganglionnaires, refait-on des biopsies ?
Réponse Pr Renard-Penna : Quand une imagerie est en faveur d’une récidive ganglionnaire, on procédera à un curage, mais rarement à une biopsie. Quand des métastases ganglionnaires sont présentes, elles ne sont pas forcément à l’intérieur de tout le ganglion, il est donc impossible de faire une sélection. C’est également parce que les ganglions sont très difficiles d’accès pour la biopsie, car très profonds.
Réponse Pr CUSSENOT : On procèdera à un curage ou à l’imagerie par PET-Scan parce que l’activité métabolique est importante et qu’elle est la signature d’une métastase par exemple.
Question : Une biopsie sur un patient endormi serait-elle moins précise que sur un patient qui n’est pas endormi ?
Réponse Pr Mozer : On fait aussi bien sur un patient avec une anesthésie locale qu’avec une anesthésie générale. Étant donné que l’anesthésie générale est plus invasive que l’anesthésie locale, il y a moins de sens à faire une biopsie sous anesthésie générale ; à quelques exceptions près (exemple avec des patients stressés).
Question : Parvenez-vous à déterminer s’il y a un franchissement capsulaire de la tumeur avec des biopsies ciblées ?
Réponse Pr Pierre MOZER : Je ne suis pas le mieux placé pour y répondre car il s’agit du domaine de la radiologie. C’est le radiologue, en faisant une IRM, qui va pouvoir dire s’il suspecte un franchissement capsulaire ou pas. C’est lié à l’imagerie IRM essentiellement. Il est vrai que sur certaines biopsies, si celles-ci sont faites d’une certaine manière et centrées sur cette question, on peut voir s’il y a un franchissement capsulaire, mais la meilleure méthode pour répondre à cette question est l’IRM.
Mise à jour en octobre 2024
Sources :
Livre « dans la tourmente de la prostate » éditions Favre
Cet article a été rédigé en combinaison avec des extraits de l’intervention du Pr Pierre MOZER lors des journées scientifiques médecins-patients 2014 et 2015 de l’ANAMACaP https://www.anamacap.fr/doc/IRMmulti-biopsiesciblees-marqueursagressivites-2015.pdf