Fréquence en population générale et facteurs de risque
La santé sexuelle est un droit (définition de l’organisation mondiale de la santé) et un paramètre pertinent de la santé et de la qualité de vie.
Or, la dysfonction érectile augmente dans le monde entier (152 millions d’hommes en 1995, et 322 millions prévus en 2025), en particulier dans les pays développés pour plusieurs raisons :
- La population vieillit
- Les pathologies chroniques et les endocrinopathies sont de plus en plus nombreuses (diabète, hypertension artérielle)
- La contribution des facteurs bio environnementaux : tabac, obésité, qualité nutritionnelle
- L’âge en lui-même est associé à des maladies neurologiques (AVC, Parkinson), a une prise de nombreux médicaments, a un risque de cancers notamment de prostate.
Tous ces facteurs augmentent le risque de dysfonction érectile.
A la première consultation pour un cancer de prostate, 50% des patients viennent avec un problème érectile déjà installé. Pour 70% d’entre eux, il y aura une véritable motivation sexuelle. La santé sexuelle est même la première préoccupation des hommes en général, à tel point que certains seront même prêts à sacrifier quelques années de vie pour conserver une activité sexuelle.
≪ Lorsque votre vie sexuelle est réussie, elle prend 3% de votre temps, quand elle ne l’est pas, elle occupe 97% de vos préoccupations ≫. Seamus Heaney
Quel que soit le traitement choisi pour le cancer de prostate (radiothérapie, curiethérapie, chirurgie, et même surveillance active), il y aura un effet délétère dans plus de 45% des cas. A deux ans du traitement, 25% gardent une bonne santé sexuelle naturelle, sans traitement.
CANCER DE PROSTATE ET PERTE D’érection : les causes
Un patient atteint d’un cancer de la prostate peut constater une perte de son érection. Cela est dû à plusieurs facteurs souvent associés. La dysfonction érectile peut-être d’origine organique (diabète, prise en charge du cancer) et/ou psychologique. La cause psychogène va se greffer sur le problème organique : c’est ce que l’on appelle l’anxiété de performance. Un homme qui expérimente plusieurs épisodes d’érection de mauvaises qualités va, au fur et à mesure du temps et à chaque fois que se présente l’occasion d’un rapport sexuel, se demander « vais-je perdre à nouveau mon érection avant ou pendant le rapport ? Va-t-on s’endormir déçu chacun de notre côté ? ». Le stress est un facteur important de la dysfonction érectile qui est souvent d’origine mixte.
Environ 70% des patients atteints et traités vont constater à un moment ou à un autre une diminution de la qualité de leurs érections. Cette diminution peut être transitoire mais également définitive. Il convient avant tout de lutter précocement contre la rétraction de la verge par différents moyens de rééducation et d’oxygénation des tissus.
L’EFFET ANNONCE DU CANCER
L’effet de l’annonce de la maladie peut avoir des effets dévastateurs sur la libido (désir) et sur l’humeur en générale. La réflexion sur les traitements ou l’espérance de vie peut rompre la confiance en soi. Le cancer de la prostate en lui-même n’a pas d’impact sur la fonction érectile. En revanche, les traitements ont une responsabilité importante dans l’apparition de ces troubles.
L’état général du patient
Avant tout, il convient de prendre en compte l’état général dans lequel se trouve le patient avant le traitement : la présence d’autres maladies, la distinction entre un patient de 50 à 60 ans en pleine forme avec une petite tumeur et un patient plus âgé avec une tumeur plus avancée qui nécessiterait un traitement hormonal. Ces deux patients ne se trouvent pas au même moment de leur vie lors du diagnostic. Leurs érections avant traitement ne sont pas les mêmes.
LE TYPE DE TUMEUR
Au delà de l’état du patient, le type de tumeur joue un rôle. Est-elle localisée à la prostate ou localement avancée nécessitant un traitement plus lourd et donc plus de répercussions ? On n’observe désormais une moindre invasivité des traitements chirurgicaux (robot), radiothérapeutiques (stéréotaxie) ou focaux (comme les ultrasons), mais tous les patients ne peuvent pas bénéficier de ces traitements conservateurs.
L’IMPACT DES TRAITEMENTS
Les traitements du cancer de prostate ont une responsabilité importante dans la dysfonction érectile .
La chirurgie peut entrainer la lésion des nerfs en contact intime avec la prostate et l’urètre. Ainsi la chirurgie, surtout si elle est « élargie » va provoquer une lésion plus ou moins importante, pouvant causer un « débranchement » des nerfs de l’appareil génital : la conduction entre le cerveau et les organes génitaux externes pour obtenir une érection est perdue. Par ailleurs, la chirurgie entraine des remaniements vasculaires et microvasculaires qui aboutissent à de la fibrose, qui elle-même entraine une rétraction de la verge et va rendre la récupération par médicaments encore plus difficile. A un mois de l’opération, le patient revoit le chirurgien, il peut donc parler de ces effets et demander une prise en charge (si votre chirurgien n’est pas à l’aise, n’hésitez pas à lui demander les coordonnées d’un spécialiste du sujet qu’il vous recommandera).
La radiothérapie peut aussi entrainer des lésions neurologiques et vasculaires. La plupart des cancers de la prostate se situent dans la zone périphérique, à proximité de la capsule et donc des nerfs de l’érection. En curiethérapie, des grains radioactifs sont parfois posés à proximité. A nouveau, l’inflammation par l’irradiation aboutira à de la fibrose par le manque d’oxygène des tissus. Les érections ont alors tendance à disparaitre. Les troubles apparaissent généralement un an à un an et demi après la fin du traitement. Le patient ne voit plus son radiothérapeute à ce moment là, il est alors plus difficile d’en parler.
L’hormonothérapie (ou plutôt privation androgénique) : il s’agit d’une perte d’imprégnation des tissus en testostérone, notamment des corps caverneux. On constate des modifications de l’aspect de la peau, du muscle/graisse, du fonctionnement cerveau avec une perte de libido, avec pour certains des moments dépressifs. Quand les corps caverneux perdent leur imprégnation : installation de la fibrose. Le tissu cicatriciel est figé, il n’est plus en mesure de se remplir de sang. L’effet ultime est la rétraction de la verge qui vient encore impacter le schéma corporel en plus du schéma de l’érection.
Les traitements de seconde ligne et plus, vont encore aggraver les problèmes. Par exemple, la chimiothérapie a une toxicité spécifique : la neuropathie (nerfs endommagés). Cela va empêcher les lésions traitées par prostatectomie ou radiothérapie de se réparer, induire la destruction des fibres nerveuses les plus fines. Par ailleurs, la chimiothérapie est utilisée dans un contexte de progression de la maladie avec une fatigue non propice à de bonnes érections.
pourquoi traiter la dysfonction érectile ?
Après irradiation ou chirurgie de la prostate, la dysfonction érectile peut tout à fait être passagère. Les médicaments peuvent être inefficaces juste après l’intervention mais cela ne signifie pas que la situation est totalement compromise ou qu’ils ne fonctionneront pas un peu plus tard. Il ne faut pas en déduire que seules les injections intracaverneuses donneront une érection indéfiniment. Il est possible de « récupérer ». La neurapraxie est un phénomène de réparation nerveuse. Après leurs sections, les nerfs du corps humain se réparent naturellement et repoussent d’environ un millimètre par an.
Les nerfs érecteurs peuvent également dysfonctionner alors qu’ils sont intacts. Lors d’un acte chirurgical, passer au contact d’un nerf entraine une baisse de la qualité du signal nerveux. De ce fait, même lorsque le chirurgien a conservé les deux nerfs érecteurs lors d’une prostatectomie radicale, le patient peut malgré tout avoir des problèmes d’érection. La bonne nouvelle : il existe de nombreuses solutions pour récupérer sa fonction érectile.
Impact sur la qualité de vie
La dysfonction érectile peut influer sur la qualité de vie. Elle peut être à l’origine d’une importante souffrance chez l’individu qui en est atteint ainsi que chez sa partenaire.
Des érections…seulement si le patient le souhaite
On traite l’insuffisance érectile seulement s’il y a un impact : les patients qui n’éprouvent pas ce besoin n’ont pas de raison de suivre un traitement. Il ne faut pas avoir honte de dire à son urologue « les érections ne m’intéressent pas ». Un patient ne doit avoir des érections que s’il en a envie.
Certains urologues français peuvent pratiquer un peu à l’ancienne : « vous aviez un cancer, vous ne l’avez plus, ne m’embêtez pas avec vos problèmes d’érection ». A contrario, certains urologues sont très interventionnistes : « vous devez avoir des érections, je vais vous prescrire des injections. »…
Penser à l’après : annonce, traitement et éventuelles fuites urinaires
Si l’urologue pense que le patient sera intéressé par la fonction érectile à distance de l’intervention (après coup de la chirurgie, de l’anesthésie, des fuites d’urine etc…), il se doit d’insister un peu pour sauvegarder le mécanisme et éviter la fibrose qui s’installe très rapidement. Très souvent, les patients sont d’abord concentrés sur l’annonce du cancer, son traitement, puis par la résolution d’éventuelles fuites urinaires. Après un ou deux ans, lorsque le patient se sent mieux, il songe à nouveau à sa santé sexuelle : l’obtention d’une érection même aidée est alors complexe car aucune action de rééducation de la fonction érectile n’a été réalisée pendant ce temps.
Oser en parler pour une vie heureuse
Les hommes ont un statut érectile différent les uns des autres avant et après traitement. L’homme qui a de mauvaises érections avant la prostatectomie n’en aura pas de meilleures après. Celui qui a de très bonnes érections avant la chirurgie et qui est très motivé a de meilleures chances de récupérer sa fonction érectile mais cela ne suffit pas.
En France, la dysfonction érectile est très fréquente mais bien souvent les hommes n’osent pas consulter pour ce motif.
Une étude américaine a démontré que le sujet le plus embarrassant à évoquer avec son médecin est le problème d’érection.
Un homme concerné par ce problème et qui le vit mal doit en parler à son médecin si lui-même ne pose pas la question. La plateforme d’accompagnement en vidéos Doctical peut vous aider à préparer ce type de consultation.
Le cancer de la prostate est un cancer qui le plus souvent évolue relativement lentement. Le patient a le temps de choisir le traitement et le spécialiste. Le but est de gagner des années d’espérance de vie « heureuses ».
EN Résumé
La dysfonction érectile liée au cancer de la prostate est une réalité fréquente, mais elle n’est pas une fatalité. Avec une prise en charge adaptée et un dialogue ouvert avec les professionnels de santé, il est possible d’améliorer sa qualité de vie et de restaurer la fonction érectile bien qu’elle ne sera jamais comme avant. La santé sexuelle doit être intégrée au parcours de soins à toutes les phases de la maladie pour assurer un mieux-être global aux patients qui en ressentent le besoin. Oser en parler reste le premier pas vers des solutions efficaces : avec la chaine des soignants, votre partenaire, un autre patient via l’ANAMACaP…
Mis en ligne en décembre 2024
Sources : intervention du Dr Charlotte METHORST et du Dr Sébastien BELEY en journée scientifique de l’ANAMACaP & Webinaire sur la dysfonction érectile après traitement d’un cancer de prostate en 2021 :