Les bouffées de chaleur masculines

Le traitement hormonal peut provoquer des bouffées de chaleur qui dégradent la qualité de vie. Il existe des solutions pour prendre en charge cet effet secondaire.

Le cancer de la prostate est un cancer hormonosensible. Cela signifie que sa croissance est dépendante des androgènes (hormones stéroïdiennes). La suppression androgénique par hormonothérapie est ainsi le traitement de choix des cancers avancés. Si ces actions sont efficaces dans le traitement du cancer, elles ont également un impact sur une vaste majorité des patients.  

Parmi ces impacts, nous retrouvons l’apparition de bouffées de chaleur qui peuvent constituer une gêne importante et altérer la qualité de vie. Ces bouffées de chaleur sont déclenchées par l’interaction changée des hormones avec la partie du cerveau qui gère la température corporelle.  

Si la pathologie est bien connue, les différents traitements donnent des résultats variables. Les bouffées de chaleur ne sont que des symptômes qui sont habituellement passagers. Ces traitements ne sont donc pas obligatoires et sont à associer à une gestion adaptée des bouffées de chaleur. 

 

Les traitements contre les bouffées de chaleur 

Dans de nombreux cas, les bouffées de chaleur sont temporaires et n’apparaissent que le temps que le corps s’habitue au traitement ou que celui-ci s’arrête (dans le cas d’un traitement hormonal). Lorsque les bouffées de chaleur sont trop gênantes ou deviennent anormales, des traitements peuvent être envisagés. 

La prise en charge de ces bouffées de chaleur peut faire appel à plusieurs types de traitement. Nous distinguons deux grandes familles : 

  • Les traitements non hormonaux, qui sont peu efficaces voire inefficaces : l’association de phénobarbital et d’ergotamine de Bellergal®, ou la clonidine transdermique de Catapressan®. 
  • Les traitements hormonaux (oestrogènes, anti-androgènes, progestatifs), dont les effets centraux, stimulants, sur la libération des peptides opioïdes endogènes sont à l’origine d’une diminution des catécholamines centrales inductrices des bouffées de chaleur. 

Il existe trois traitements hormonaux particulièrement efficaces : 

  • Le traitement par œstrogènes qui est efficace contre les bouffées de chaleur mais qui pourrait s’avérer être contreproductif car favorisant l’action des androgènes. Les œstrogènes sont également responsables d’une augmentation de la morbidité cardiovasculaire. Ils sont peu recommandés ; 
  • L’acétate de cyprotérone est lui aussi très efficace selon la dose administrée. Cependant, il est également responsable d’une augmentation de la morbidité cardio-vasculaire ; 
  • L’acétate de mégestrol est l’un des traitements qui semble le plus efficace et qui implique la disparition quasi complète des bouffées de chaleur. Le seul effet secondaire observé à ce jour est une stimulation de l’appétit qui déclenche une prise de poids. Ses effets sur la morbidité cardio-vasculaire ne sont, en revanche, actuellement pas connus à ces doses et le rôle de ce traitement reste à définir. 

 

Bien gérer les bouffées de chaleur 

Il n’est pas toujours nécessaire ou conseillé de traiter les bouffées de chaleur de façon médicamenteuse. Celles-ci pouvant être amenées à disparaître avec le temps, il est tout d’abord important de savoir bien les gérer. Pour cela, il est important de savoir également que les bouffées de chaleur sont souvent accompagnées de transpiration, de rougissements, d’accélération du rythme cardiaque et d’anxiété. Cela peut générer une réaction en chaîne et faire durer les bouffées de chaleur de façon gênante, ou les renforcer et accroître l’anxiété.  

Il convient donc de chercher à réduire les risques de déclenchement des bouffées, mais aussi à se tenir prêt à gérer ces sensations de chaleur ainsi que les symptômes collatéraux qu’elles génèrent.  

Il est souvent conseillé de se préparer à la gestion des bouffées de chaleur en : 

  • Anticipant leur gestion : portez des vêtements par couches facilement enlevables, et favorisez les endroits climatisés, ventilés ou desquels vous pouvez facilement sortir pour vous aérer ; 
  • Portant de préférence des vêtements adaptés : choisissez des tissus légers et naturellement respirants (coton, lin, etc.). Evitez les matières synthétiques qui contiennent la chaleur et vont empirer les sensations de chaleur ; 
  • Limitant les facteurs facilitant leur apparition : limitez les excitants tels que le café, l’alcool, les épices ou encore le tabac. Ces substances augmentent la chaleur corporelle et facilitent le déclenchement des bouffées de chaleur ;  
  • Travaillez des exercices de relaxation à pratiquer dès l’apparition des bouffées de chaleur pour accélérer leur disparition. Des exercices de respiration, la pratique de la méditation ou encore du yoga sont de véritables alliés pour calmer plus rapidement une bouffée de chaleur et en raccourcir la durée. 

Il est particulièrement important de prendre soin de votre état de santé mental, émotionnel et physique pour être mieux équipé face à ces symptômes. Un rythme de vie sain, des vêtements adaptés, des habitudes de relaxation, une bonne confiance en son environnement et le soutien de vos proches sont autant de facteurs qui sont tout autant importants que les traitements qui peuvent vous être prescrits.  

Si vous ressentez des bouffées de chaleur où vous posez des questions à ce sujet avant tout traitement du cancer de la prostate, n’hésitez pas à consulter votre urologue sur les solutions qui s’offrent à vous. Nous vous recommandons également de rejoindre une association de patients telle que la nôtre pour être informés au mieux sur l’efficacité des traitements et les stratégies de chacun pour faire face à ces défis du quotidien. L’information et le soutien font partie des meilleures armes dont vous pouvez disposer pour traverser ses épreuves. 

Cancer de prostate - hormonotherapie et bouffees de chaleur masculine

Aspects nutritionnels et suppléments médicamenteux en adjonction des traitements hormonaux pour la réduction des bouffées de chaleur

Sujet présenté lors de notre journée scientifique 2014 par le Professeur Olivier CUSSENOT, Chef du service Urologie de l’Hôpital TENON (APHP), Président du Conseil Scientifique de l’ANAMACAP

Les mécanismes d’action des traitements hormonaux

Il existe différents mécanismes dans les traitements hormonaux du cancer de la prostate. Ils bloquent les androgènes actifs sur le récepteur des androgènes. La testostérone est sécrétée par le testicule sous l’action de l’axe hypothalamo-hypophysaire du cerveau. La testostérone est transformée dans la prostate, dans le tissu prostatique en dihydrotestostérone (DHT) et en petite quantité en œstrogènes. C’est cette dihydrotestostérone qui est l’élément actif. Il existe différents niveaux d’action, cela dépend des références de base. Les analogues de la LHRH bloquent cette sécrétion au niveau du cerveau par l’axe hypothalamo-hypophysaire : le Décapeptyl, l’Eligard, le Zoladex, l’Enantone sont tous de la même famille avec un mécanisme d’action identique. Le Firmagon agit de la même manière mais c’est un antagoniste, il est plus récent. Les œstrogènes comme le Distilbène ont également cette action classique. Les analogues ont remplacé les œstrogènes initiaux, parce que les œstrogènes par le Distilbène ont un risque de complication cardio-vasculaire très important, de phlébite et de complications de thrombose cardiaque, d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral. On est obligé de donner des anticoagulants en particulier en prévention.

L’Acétate de Cyprotérone est un progestatif de synthèse de la famille de la progestérone. Il est un peu particulier mais il va également bloquer l’axe hypothalamo-hypophysaire et avoir une action directe de compétition avec les molécules de dihydrotestostérone sur le récepteur des androgènes. C’est à celui qui va pouvoir s’y fixer. Lorsque c’est l’Acétate de Cyprotérone, il agit comme une fausse clé dans une fausse serrure et bloque les serrures.
Les anti-androgènes non stéroïdiens ont le même mécanisme d’action que l’Acétate de Cyprotérone. Le plus classique est le Bicalutamide (Casodex). D’autres sont moins utilisés, tels que le Flutamide (Eulexine) ou le Nilutamide (Anandron). Ce sont aussi des compétiteurs au niveau de ce récepteur, des fausses clés, qui se fixent sur le récepteur et qui empêchent la dihydrotestostérone de se fixer dessus.
Le traitement hormonal de référence est de faire baisser la testostérone avec un blocage complet de l’effet testostérone avec les analogues / antagonistes. Au blocage complet on associe en même temps l’un de ces médicaments pour obtenir cette compétition en plus pour d’autres hormones qui peuvent provenir des glandes surrénales. Généralement, quand on donne ces fausses clés toutes seules, l’organisme compense en augmentant un peu la sécrétion des hormones qui seront en compétition. L’effet ne sera que partiel sans faire baisser la testostérone. Le blocage complet ne se fait qu’en associant les deux actions : baisse de la testostérone et anti-androgènes non stéroïdiens pour bloquer. On peut éventuellement ajouter l’Avodart ou le Dutastéride, qui vont dans ce cas inhiber la synthèse de la dihydrotestostérone par rapport à la testostérone.
Ces différents mécanismes s’empilent les uns sur les autres. Il est possible de réguler le degré de blocage en amont.

L’Abiratérone (Zytiga) bloque une enzyme de la synthèse de la testostérone par les glandes surrénales. C’est un médicament récent mais dont le mécanisme d’action était anciennement connu (Kétoconazole). Pour obtenir le même effet que l’Abiratérone, le Kétoconazole, devait être donné à hautes doses avec des effets secondaires plus importants. Dans les années 1950, on enlevait les glandes surrénales chirurgicalement. Les effets étaient encore plus lourds et plus importants. Cette chirurgie a été abandonnée.

Le traitement le plus récent est le Xtandi (Enzalutamide). Ce médicament bloque à la fois comme une fausse clé le récepteur et le dégrade au sein même de la cellule. Quelquefois le récepteur peut être autonome, parce que des mutations se produisent dans ce domaine de liaison : c’est le mécanisme de résistance. Le Xtandi est capable de contourner ce mécanisme de résistance parce qu’il agit en même temps en aval du récepteur dans sa dégradation au sein même de la cellule. C’est le nouveau principe et c’est pour cette raison que ce médicament, de la famille hormonale de 2ème ligne, récupère un certain nombre de résistances aux traitements classiques de dépression androgénique par les analogues et par les anti-androgènes.

VOIR NOTRE DOSSIER COMPLET DE 2022 AVEC UN JEU DE QUESTIONS-RÉPONSES

 

Origine des bouffées de chaleur et de la sudation

Le corps a une température centrale qui doit être conservée et maintenue à 37°. Évidemment, les membres sont à une température inférieure. 10 à 15 minutes avant l’apparition des bouffées de chaleur, se produit un trouble de la régulation : une dérégulation de la thermogenèse centrale, venant des messages cérébraux, qui va faire augmenter la température au niveau central du corps. Le corps va réagir comme s’il se trouvait au milieu du Sahara en essayant d’éliminer cette chaleur centrale supplémentaire avec une baisse de la dilatation des vaisseaux périphériques (qui donne ces rougeurs ou chaleurs) et avec une sudation abondante par l’évaporation. Il s’agit d’un mécanisme de lutte contre la chaleur.
La surcharge pondérale est le principal facteur favorisant des bouffées de chaleur.

 

Sous traitement hormonal, les bouffées de chaleur apparaissent dans 50 à 88 % des cas. Elles sont ressenties de façon plus ou moins importante par les personnes. Elles peuvent se traduire simplement par des rougeurs, par des sensations de chaleur jusqu’à des sudations très abondantes et invalidantes. Dans certains cas rares, les effets peuvent gêner le jour et la nuit, empêcher de dormir. Les bouffées de chaleur sont liées à la baisse du taux de testostérone. Ce n’est pas la testostérone qui en est à l’origine, mais la baisse des œstrogènes.

Lorsque l’on fait baisser la testostérone, elle est transformée par une enzyme, l’aromatase, qui fait baisser à son tour les œstrogènes, même si les hommes n’en n’ont pas beaucoup. Cette baisse des œstrogènes chez l’homme, de la même manière que chez la femme au moment de la ménopause, va être à l’origine des bouffées de chaleur.
L’utilisation, par exemple, du Casodex en monothérapie (si cela est suffisant), donne des bouffées de chaleur inférieures à 10 % parce que l’on ne fait pas baisser la testostérone.

 

Comment lutter contre les bouffées de chaleur ?

Par le mode de vie :

  • en limitant le stress, la caféine, les épices, l’alcool. Les éléments qui peuvent augmenter le stress momentanément à tel point que la température centrale peut jouer.
  • avec des boissons rafraîchissantes et un environnement rafraîchissant comme des vêtements ou des sous-vêtements de type « Cooling » qui sont utilisés aujourd’hui par les sportifs, technologie qui permet d’avoir un effet « réfrigérant » au niveau du tronc, puisque le déclenchement vient de ce trouble de la régulation thermique centrale.
  • l’entraînement avec l’activité physique fait diminuer ce phénomène, probablement par un mécanisme d’adaptation. L’activité physique permet également la diminution de la surcharge pondérale si elle existe.

Par les hormones :

  • les œstrogènes (l’Estradiol, patch d’Estradiol ou le Distilbène). C’est le moyen le plus efficace contre les bouffées de chaleur mais cela donne de la gynécomastie (augmentation des seins) et un risque cardiovasculaire. Introduire un risque cardiovasculaire, et pour le prévenir, donner des anticoagulants, justifient difficilement le bénéfice sur les bouffées de chaleur.
  • l’Acétate de Cyprotérone (Androcur), progestatif de synthèse, médicament en rupture, est efficace mais avec un risque cardiovasculaire. De plus, les progestatifs ont un double mécanisme en fonction de la manière dont on les associe. Donnés seuls, on fait baisser la testostérone et on obtient un effet thérapeutique. Quand on les associe à un analogue de la LHRH et avec une testostérone déjà basse, c’est comme si on rajoutait un peu d’androgènes. Cela peut diminuer les bouffées de chaleur, mais on risque aussi une élimination de l’action thérapeutique et on expose à un risque de phlébite et de thrombose vasculaire. D’où la limite d’utilisation de cette classe de médicament.

Par des médicaments du système cardiovasculaire  :

Ce sont des antihypertenseurs, malheureusement moins actifs avec un certain nombre d’effets secondaires.

  • l’Avlocardyl, à de petites doses, comme celles que peuvent prendre les gens pour prévenir le stress (supprime le tremblement chez un patient stressé)
  • et puis, une autre classe d’antihypertenseurs comme le Catapressan. Ils ont aussi un risque cardiovasculaire avec risque de vertiges ou d’hypotension.

Par des médicaments du système nerveux central :

Ce sont des médicaments utilisés dans la dépression. Ils ont également des inconvénients assez lourds. Ils ne peuvent pas être arrêtés de façon brutale pour ne pas risquer des troubles d’ordre neuropsychiatrique. Ils ont donc une limitation d’emploi. Le bénéfice pour stopper des bouffées de chaleur de façon intermédiaire est difficile tant la liste des effets secondaires est importante en cas d’utilisation de l’un de ces médicaments.

Par les phyto-oestrogènes :

Ce sont des plantes capables d’agir sur le cerveau avec une limite : leur activité œstrogénique est nettement plus faible que des hormones naturelles. Les classiques : le soja, les graines de lin, le red clover (petite fleur), l’actée à grappe Cimicifuga Racemosa standardisé, qui est dérivée de cette plante et qui existe en supplément alimentaire ou en aliment. Ils sont proposés aux femmes au moment de la ménopause, sachant que ces médicaments avec activité œstrogénique ont des mises en garde vis-à-vis du risque de cancer du sein. Certaines plantes sont sans activité phyto-œstrogène : les extraits de pollen (Sérélys®) qui fonctionnent en synthèse.
Le domaine des compléments alimentaires peut aider à lutter contre ces bouffées de chaleur avec une action moindre mais sans avoir évidemment les effets secondaires des autres classes thérapeutiques.

Adhérez à l'ANAMACAP

Devenez un patient éclairé : formez-vous à la maladie et informez-vous !

Adhérer

Mise en ligne : janvier 2025