HISTORIQUE du dépistage du cancer de prostate
Avant l’exploitation du dosage sanguin du PSA (découvert en 1979 par Wang), au début des années 1990, le cancer de la prostate ne pouvait être dépisté que par le toucher rectal, peu apprécié des patients… et de leurs médecins. Ainsi le cancer de la prostate était surtout découvert au stade métastatique (douleurs osseuses) et tuait les hommes dans des conditions horribles.
A partir de 1990, les américains ont lancé des campagnes de communication sur le dépistage par le PSA suivies de biopsies qui ont permis le diagnostic et le traitement d’un grand nombre de cancers agressifs. La mortalité du cancer de la prostate a ainsi chuté.
Mais après quelques années de dépistage intensif, le contingent des cancers agressifs (corrélés à des PSA élevés), a diminué : les résultats se sont focalisés sur des PSA de moins en moins élevés avec comme conséquence, de nombreux faux positifs entrainant un surdiagnostic par des biopsies inutiles et un surtraitement de cancers de la prostate non évolutifs que l’on ne savait pas, à l’époque, identifier.
En 2012, l’US Preventive Services Task Force admet que le dépistage par PSA présente des résultats en termes de réduction de la mortalité mais souligne que ses conséquences peuvent être plus néfastes que bénéfiques en termes de qualité de vie. A la surprise de la communauté des patients et des médecins, il décide de ne pas le recommander. Les autres pays se réfugient dans un suivisme aveugle. Le résultat est évident : on en arrive à la situation ante-PSA et l’on fait face à de plus en plus de cancers de la prostate découverts à un stade avancé voire métastatique.
Devant ce retour en arrière désastreux, les américains (US PSTF) reviennent cette année sur leurs recommandations erronées. Les autres pays s’apprêtent à réviser également leurs positions avec une mention pour la France qui résiste par des recommandations de la HAS hostile au dépistage par PSA alors qu’il est largement pratiqué dans le pays mais de façon anarchique.
LE PROBLème du dépistage du cancer de prostate
L’erreur réside dans la définition simpliste donnée à la valeur du test PSA. Ce n’est pas un test spécifique du cancer de la prostate mais une information sur un désordre prostatique. Pour pour le cancer de la prostate, le PSA est un outil de risque et de suivi.
Les probabilités de diagnostiquer un cancer de la prostate en fonction du taux sanguin du PSA sont aujourd’hui connues et sont les suivantes :
- PSA = 0 à 1,5 ng/mL : 4%
- PSA de 1,5 à 4 ng/mL : 13%
- PSA de 4 à 50 ng/mL : 30%
- PSA de 50 à 100 ng/mL : 60%
- PSA > 100 ng/mL : 98%
Dans la population générale, 70% des hommes de plus de 40 ans présentent un taux de PSA < 1,5 ng/mL et peuvent se contenter d’un test PSA tous les deux ans.
Le réel danger commence dans la zone 1,5 à 4, mais le risque ne veut pas dire présence du cancer et la présence n’implique pas toujours un traitement radical : une surveillance active est souvent suffisante. Dans cette situation le PSA est un marqueur du risque et non un déclencheur systématique de biopsies et encore moins de traitements du cancer.
Le vrai problème est d’abord « éducationnel ». Les prescripteurs du test PSA sont les médecins généralistes sur ou sans la demande de leurs patients. En France, les recommandations de la HAS imposent aux médecins de discuter au préalable avec leurs patients des avantages et inconvénients d’une analyse PSA. Le font-ils lorsqu’ils prescrivent une analyse de cholestérol, une pression artérielle ou le poids pour des problèmes plus récurrents que sont le diabète, l’hypertension ou l’obésité ? Non : ils discutent de la position à adopter après les résultats de l’analyse.
La réponse est la même avec le PSA et le cancer de la prostate. Dans 70% des cas, le PSA sera inférieur à 1,5 ng/mL. Pas besoin de grande discussion : le patient sera invité à renouveler son test PSA 2 ans plus tard.
Si le test est > 1,5ng/mL, pas de conclusions précipitées : cette mesure indique simplement que le patient est plus à risque d’avoir un cancer de la prostate. Il est alors invité à renouveler son test annuellement ou à recourir à des tests complémentaires de diagnostic. L’objectif est d’éviter autant que faire se peut, le recours aux biopsies inutiles (surdiagnostic) et qui aboutissent parfois à de sévères infections entraînant près de 10 morts par an rien qu’en France.
Si des foyers millimétriques d’adénocarcinome prostatique, incidentaux, sont découverts sur les biopsies, pas de décision hâtive thérapeutique : ce diagnostic signifie que le patient est à risque d’avoir seulement dans 1/3 des cas un risque évolutif (métastases) 15 ans plus tard. Il lui est alors proposé une analyse précise de son cancer et une surveillance régulière semestrielle ou un traitement conservateur. L’objectif est d’éviter le recours systématique aux traitements radicaux, en particulier aux prostatectomies qui entrainent, outre des séquelles urinaires et sexuelles, près de 400 morts par an dans notre pays, soit plus de 10 000 décès indépendants de la maladie en 20 ans. Le médiator, lui, est la cause de 1 800 morts en 33 ans. Où est notre Irène FRACHON ?
La solution proposée par l’ANAMACaP
Actuellement, les progrès de l’imagerie de la prostate (l’IRM multiparamétrique), et la possibilité de lecture experte centralisée, permet non seulement de détecter la présence et la localisation de la tumeur mais aussi son agressivité afin de justifier et orienter les biopsies. Ainsi, le surdiagnostic (trop de biopsies négatives par faux positif du PSA) est réduit, et le surtraitement (traitement inopiné de cancers indolents, incidentaux) est également réduit.
L’organisation du dépistage, à l’instar des autres dépistages, est également essentielle :
- remboursement du PSA limité aux invitations au dépistage organisé par l’assurance maladie (hors suivi des cancers déclarés)
- déremboursement du PSA libre/total maintenant inutile (et souvent autoprescrit par les biologistes, en dehors de sa fenêtre d’utilité), comme les marqueurs coûteux de 2ème intention : PCA3, Phi….) face aux progrès de l’imagerie.
- réalisation des IRM par des centres agréés, encadrés, à l’instar de la mammographie afin d’éviter la prolifération anarchique de la prescription d’IRM prostatiques sans cadre de prescription justifié.
- Analyse et encadrement par l’HAS du bénéfice /risques des prostatectomies dans les options de prise en charge des cancers dépistés.
Aujourd’hui, nous avons les outils qui permettent d’élever le dépistage du cancer de la prostate à des niveaux de sensibilité et de spécificité supérieurs à 95%. Aucun autre cancer ne bénéficie d’un tel niveau d’efficience du dépistage.
Ainsi le débat sur le dépistage du cancer de la prostate se pose en des termes nouveaux qui remettent en cause les positions défendues par les opposants.
Il est urgent « d’arrêter le massacre » déclamait encore cette année un professionnel opposé au dépistage du cancer de la prostate, comme si une analyse de sang faite au creux du bras pouvait être la cause d’un seul mort.
Le vrai massacre aboutit, à cause de ces positions dogmatiques, à déplorer plus de 8 000 morts par an par absence de diagnostic précoce, près de 10 000 invalidités par an par prostatectomie sans bénéfice évident sur la survie, ainsi que des gouffres financiers occasionnés par des traitements invasifs inutiles et par de nouvelles molécules hors de prix. Et pourtant, la solution existe aujourd’hui sans verser dans un dépistage à tout va.
« Qu’avez-vous fait ? Rien ! » lançait Simone Veil à ses opposants, penauds devant la révélation de la vérité qu’ils se cachaient.
Les participants à la controverse du dépistage se regardent dans le blanc des yeux et attendent toute initiative sur le sujet pour la critiquer afin de préserver leurs intérêts.
Beaucoup de nos médecins, qu’ils soient généralistes, urologues, oncologues, ne s’intéressent pas à cette vérité pour ne pas être entraînés dans l’engrenage de la controverse et, il faut bien le dire, se satisfont du statu quo qui préserve leurs activités (les généralistes, grâce aux recommandations de la HAS hostiles au dépistage, croient être exonérés de toute responsabilité – les biologistes, profitent des prescriptions désorganisées du PSA et du PSA libre sur total – les urologues font largement leur chiffre d’affaires grâce aux cancers de la prostate – les oncologues sont très entourés par les fabricants des nouvelles molécules d’hormonothérapie et de chimiothérapie).
C’est alors aux patients et à leur porte-parole institutionnel qu’est l’ANAMACaP de bousculer ce conservatisme pour diminuer drastiquement et les biopsies et les prostatectomies/radiothérapies non justifiées et la maladie métastatique avec son cortège de traitements au long cours.
La ministre de la santé doit entendre avec bienveillance ces paroles qui rejoignent la priorité absolue de sa politique globale de prévention. Accompagné du Président de notre Conseil Scientifique, le Professeur Olivier CUSSENOT, je lui propose aujourd’hui de nous écouter afin d’étudier la mise en place d’une stratégie, source de grandes économies pour le budget du pays, et surtout étape importante dans le contrôle de l’épidémie annoncée du cancer de la prostate.
Courrier adressé au Ministère de la Santé en 2017
Les éléments du texte ci-dessus ont été adressés par courrier à Madame Agnès BUZYN, alors Ministre de la Santé et des Solidarités.
AUTRES ACTIONS PRINCIPALES DE L’ANAMACaP sur le dépistage du cancer de prostate
Audition au Sénat en septembre 2018
Le président de l’ANAMACaP et le Pr Olivier CUSSENOT ont été auditionnés par Madame Catherine DEROCHE, Sénatrice et Président du groupe d’études sur le cancer au Sénat au Palais du Luxembourg. Une approche économique a été présentée pour démontrer tout l’intérêt d’organiser un dépistage du cancer de la prostate sur le plan de la santé avec une diminution de la maladie métastatique et d’une baisse importante du coût de la prise en charge. En outre, la France est confrontée à une hétérogénéité des pratiques médicales : du médecin généraliste jusqu’au protocole oncologique dans tous les établissements du pays. Madame DEROCHE a été très intéressée par le sujet. Elle a demandé la présentation d’une étude plus structurée.
Audition à l’Assemblée nationale en septembre 2021
Roland MUNTZ, le Pr CUSSENOT et Monsieur Claude OUSTLANT, Président du FDCP (Fonds de Dotation pour l’innovation dans la prise en charge du Cancer de la Prostate) ont été invités à une table ronde devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale sur la prévention du cancer de la prostate présidée par Madame Fadila KHATTABI et avec la participation de la Haute Autorité de Santé, de l’Institut National du Cancer, du Collège de Médecine générale, de l’Association Française d’Urologie et de députés. L’ANAMACaP a été écoutée et a obtenu une subvention de 50 % pour le financement de l’étude Observapur.
L’étude Observapur (2022 – 2025)
Afin de soumettre un rapport étayé avec des chiffres factuels à la sénatrice Madame DEROCHE, l’ANAMACaP a décidé de lancer et soutenir une étude à partir des données d’Observapur. Une étude unique en France qui dispose de l’autorisation d’exploiter de manière anonymisée des données de la sécurité sociale sur tous les hommes ayant reçu un examen ou un traitement en lien avec la prostate entre 2004 et 2018 (projet de bigdata comportant des millions de données). Budget 100 000 €, cofinancé par la commission de l’assemblée, le FDCP et l’ANAMACaP.
Phase 1 d’Observapur
Elle consiste à extraire, recodifier et analyser les informations. Les premiers résultats et conclusions ont été présentés par M. Yoan TAILLE, datascientit, les docteurs Bertrand LUKACS et Jean-Jacques PORTAL et les Professeurs Eric VICAUT et Olivier CUSSENOT lors de la journée scientifique 2024 de l’ANAMACaP. Première publication scientifique : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2588931124000531
CONSULTER LES PREMIERS RÉSULTATS
Phase 2 d’Observapur
Elle consiste à réaliser une comparaison médico-économique entre un dépistage opportuniste du cancer de la prostate tel que réalisé actuellement et un dépistage organisé avec la mise à jour du rapport OPEPS (Observatoire Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé) 2009 du Professeur Bernard DEBRE. Les résultats seront présentés en 2025.
Dépistage du 1er cancer de l’homme : LA PRISE DE CONSCIENCE
2022 : recommandations de la commission européenne
Fin 2022, la commission européenne débloque des fonds et recommande aux pays membres d’évaluer la faisabilité et l’efficacité du dépistage organisé du cancer de la prostate chez les hommes, en utilisant le test de l’antigène prostatique spécifique (PSA) en combinaison avec l’imagerie par résonance magnétique (IRM) en guise de suivi. Sept pays se sont lancés.
Décembre 2024 : lancement du PAIR prostate en France
Le Ministère de la Santé a chargé l’Institut National du Cancer de lancer un programme : le PAIR Prostate (Programme d’Actions Intégré de Recherche). Le président de notre conseil scientifique a été nommé co-président de son comité de pilotage. Un cahier des charges va être préparé et diffusé aux équipes de recherche afin de trouver un outil complémentaire au test de PSA pour optimiser le dépistage du cancer de prostate.
Mise à jour en mai 2025
ALLER PLUS LOIN
En 2021, l’ANAMACaP a laissé une large place au dépistage du cancer de la prostate à l’occasion de sa journée scientifique médecins-patients. Elle a ainsi eu l’honneur de recevoir deux grands spécialistes :
Le Pr Georges FOURNIER, alors Chef de service urologie du CHU de Brest et Président de l’Association Française d’Urologie (AFU) est intervenu.
LIRE LA PRéSENTATION DU PR FOURNIER : « dépistage du cancer de prostate, où en est la France ? »
Le Pr Hein VAN POPPEL, Urologue à l’U.Z. de LEUVEN, Belgique, Secrétaire de l’Association Européenne d’Urologie (EAU).