Cette page contient des extraits du sujet présenté en septembre 2013 lors de la journée scientifique ANAMACaP par le Docteur Thierry BOUILLET – Radiothérapeute du Service d’oncologie médicale au CHU Avicenne (APHP), Co-président de la fédération nationale sport et cancer CAMI
Présentation réalisée en collaboration avec le Dr Nicolas JOVENIN, Institut Jean GODINOT de Reims
L’activité physique, ce n’est pas simplement faire du sport, c’est aussi les dépenses d’énergie liées aux activités professionnelles, aux tâches ménagères, aux transports, aux activités ludiques… « Bouger 30 minutes par jour c’est facile ! »
Quels bénéfices pour le patient ?
Effets de l’activité physique sur le patient
L’activité physique réduit significativement la fatigue liée au cancer :
- Quelque soit le moment de la prise en charge : – 23 %
- Pendant les traitements : -18 %
- A distance des traitements : -37 %
On se sent plus fatigué si on ne bouge pas. Si on bouge, on l’est moins qu’avant. On constate également une amélioration de tous les tests : musculaires, qualité de vie, fitness, sociaux. On rentre dans une notion simple, à avoir que l’activité physique est non seulement le seul traitement validé pour l’instant de la fatigue, qui est le premier symptôme des patients, mais en plus, il permet de retrouver des rapports sociaux plus normaux. Retour au travail, réinsertion dans le tissu social en post période de travail, ce qui est absolument fondamental.
Autres bénéfices
- Diminution de l’anxiété, du syndrome dépressif, des troubles du sommeil.
- Amélioration de la qualité de vie, du bien-être.
Réduction de la toxicité après radiothérapie
Une étude (Thomas RJ et al Clin Oncol 2013 25:246-251) portant sur 440 hommes traités par radiothérapie démontre que la plupart d’entre eux sont inactifs musculairement (71 %) et que ceux qui ont une activité physique ont moins de troubles rectaux, moins de dysfonctionnement érectiles et moins de problèmes urinaires.
Niveau de preuves
Un essai thérapeutique est en cours : le Challenge.
A Strasbourg, une méta-analyse est faite sur plus de 8 000 patients dans les cancers du côlon qui posent plus ou moins les mêmes problématiques. Tous facteurs pronostics identiques, les résultats donnent 40% de chance en moins de mourir lorsqu’une activité physique est pratiquée.
Des hypothèses biologiques
- les estrogènes libres dont on a l’effet dans les cancers du sein.
- l’insuline et l’insulino résistance. Un être humain qui ne fait pas de sport avec une surcharge pondérale, voit ses besoins en insuline augmenter considérablement. Pour faire rentrer la même quantité de glucose dans le sang, on a besoin de plus d’insuline. Avec une activité physique régulière, ce besoin baisse. L’entrée du glucose dans les muscles est favorisée. Le pancréas voit un peu moins de glucose dans le sang, donc il secrète moins d’insuline. Et alors ? L’insuline est le facteur de croissance n° 1 des cancers de la prostate.
- les leptines qui viennent des tissus graisseux, c’est un facteur de croissance des cancers de la prostate qui sont sécrétés par les graisses et qui sont un très bon engrais pour les cellules tumorales des prostates.
Les taux d’insuline, d’estrogène, de leptine ne changent que si le patient fait au moins 150 minutes de sport par semaine. Les effets augmentent entre 150 et 225 minutes par semaine et plus après 225 minutes.
Recommandations et référentiels
Un certain nombre de recommandations ont été publiées dont celles de l’AFSOS (Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support).
Les recommandations sont très simples. Pendant le traitement ou à la fin du traitement on essaie de demander une activité physique. L’objectif est de lutter contre le déconditionnement, de donner confiance au patient.
Quel que soit l’âge ? Oui. Quel que soit le niveau d’activité physique initial ? Oui, cela est valable pour tout le monde même les non initiés, il n’est pas question d’athlètes de haut niveau. Il s’agit d’une activité dans un processus de soin, d’une activité dans un processus coordonné entre le patient, l’éducateur, le soignant. C’est une éducation thérapeutique.
Quelles problématiques ?
Le problème est la modification des comportements, l’adhésion. Il ne s’agit pas de faire un programme sur deux mois, trois mois ou quinze jours. Le programme doit être fait sur une vie pour changer les taux de rechute, le minimum est au moins d’un an. Pour modifier le diabète, l’ostéoporose, l’Alzheimer, les problèmes cardiovasculaires il faut plusieurs années. L’activité doit être ludique pour le malade sinon il arrête.
L’activité physique donne brusquement au patient une impression d’exister. Première chose à changer : lui permettre de retrouver son schéma corporel. La meilleure façon de créer un schéma corporel, c’est de refaire du sport et une activité physique. Nous avons donc réfléchi à plusieurs pour trouver un sport seul (je travaille seul) et à deux (j’échange avec l’autre). L’avantage de l’échange avec l’autre, c’est que le patient existe à ses yeux, et dans ce cas, il existe aux siens. Il faut également trouver un sport qui se fasse en toute sécurité, le patient ne doit pas se blesser.
Principales contre indications de l’activité physique en oncologie
Il existe des contre-indications avec certains patients. L’éducateur sportif doit être capable de comprendre la cancérologie et les problèmes de comorbidité pour s’adapter à chaque patient (dénutrition, ostéoporose, hypertension artérielle, troubles du rythme à l’effort, insuffisance cardiaque, métastases osseuses, métastases cérébrales symptomatiques, effets secondaires des traitements etc…).
Prévention tertiaire, impact sur la survie
Les chances de guérir sont-elles plus importantes ?
Cohorte de suivi intégrant 2700 patients environ (SC Kenfield, MJ Stampfer, E Giovannucci et al. J Clin Oncol 2011;29:726-732)
Une cohorte de suivi est mise en place avec des hommes porteurs de cancer de prostate non métastasé sans rechute. Des questionnaires leur sont adressés régulièrement pour sonder leur activité physique ludique dans les deux à quatre ans post diagnostic (type d’activité, fréquence, intensité, durée par semaine après le cancer). Les résultats sont quantifiés en MET-h. Puis, on analyse leur taux de rechute et de décès sur leur niveau d’activité physique. On va confronter les résultats des patients qui arrivent à plus de 9 MET-h par semaine contre les moins de 3 MET-h. Pourquoi ? Moins de 3 MET-h par semaine correspond au standard américain et européen. Plus de 9 MET-h par semaine correspond aux préceptes de la Ligue contre le Cancer ou de certaines associations, c’est-à-dire 30 minutes de marche 5 fois par semaine ou une heure de marche 3 fois par semaine. Une heure de marche égal 3 MET-h, donc 3 heures de marche par semaine égal 9 MET-h.
Les patients qui atteignent ce score par rapport aux autres ont environ 30% de chances de mourir en moins et moins de risque de décès par cancer de prostate.
Mesure de l'activité physique
La mesure de l’activité physique se fait en MET-heure (Metabolic Equivalent Task – heure).
Pendant 1 heure, rester assis équivaut à une dépense d’énergie de 1 MET-h, marcher ou monter des escaliers équivaut à moins de 6 MET-h, faire du footing, du tennis, de la natation… équivaut à plus de 6 MET-h.
Rendez-vous le site de la Cami Sport & Cancer pour plus de conseils et d’informations.
Zoom sur la CAMI Sport & Cancer
Des CAMI se créent un peu partout. On compte 40 centres basés sur une grande liberté en comités départementaux. Marseille et Strasbourg viennent d’être créées. Nous avons repris le modèle de la Ligue contre le Cancer. Chaque centre est constitué d’un responsable de comité départemental médical, un responsable de comité départemental STAPS, le bureau est théoriquement composé de malades. La CAMI nationale essaye simplement d’être un réseau national pour les publications. De nombreux papiers sortent régulièrement dans des revues.
La CAMI ce sont des travaux avec des collectifs, des fédérations. La CAMI vient de signer un partenariat avec le ping-pong. Ce sont des rencontres avec d’autres associations comme des associations d’étudiants.
A la base, toutes les pathologies sont concernées, pendant et après les traitements. Chaque année, on aide un peu plus de 3 500 patients. Des sédentaires ou des sportifs, quel que soit l’âge. On intervient maintenant en pédiatrie, en hématologie à Saint-Louis.
La CAMI est un lieu pour toutes les passions… On a créé, grâce à Madame PECRESSE, un diplôme universitaire Sports et Santé qui est le seul diplôme universitaire qui forme en France des éducateurs sportifs avec de vraies formations. Ils ont 260 heures de formation, tant en biologie moléculaire qu’en radiothérapie, chimiothérapie, psychologie, application pratique.
Mise en ligne : janvier 2025