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Surveillance active ou traitement agressif ?

Raoul le 14 Mai 2005

Une étude récente plaide en faveur de la prostatectomie. Qu’en pensez-vous ? (cf. article du Quotidien du Médecin de Anne MOULIN)

« LA PROSTATECTOMIE radicale permet de diminuer la mortalité et la morbidité des patients porteurs d’un cancer prostatique localisé. Par rapport à la surveillance attentive, la chirurgie diminue la mortalité totale de 26 %, la mortalité liée au cancer de 44 %, le risque de dissémination métastatique de 40 % et la progression locale de 67 %. Telle est la conclusion d’une équipe de médecins Scandinaves, à la suite d’une étude prospective randomisée en simple aveugle publiée dans le « New England Journal of Medicine ». Ces résultats confortent ceux déjà publiés à mi-parcours en 2002. Aux Etats-Unis, 60 000 hommes subissent chaque année une prostatectomie radicale. Cette opération a rejoint le peloton des gestes chirurgicaux lourds les plus réalisés dans les pays occidentaux. Il importait de réévaluer la place dans l’arsenal thérapeutique et les bénéfice/risque d’une technique dont les effets secondaires (impuissance, incontinence) ne sont pas négligeables.
Moins de 75 ans. Les auteurs ont suivi pendant dix ans une cohorte de 695 hommes de moins de 75 ans porteurs d’un cancer de la prostate, nouvellement diagnostiqué, non traité. Il s’agissait dans tous les cas d’un cancer sans diffusion extraprostatique, allant de bien à moyennement différencié selon les critères OMS et avec un taux de PSA inférieur à 50 ng/ml. Une prostatectomie radicale a été pratiquée chez 347 sujets, tandis que les 348 autres bénéficiaient d’une surveillance attentive. Celle-ci comporte un bilan clinique et biologique (hémoglobine, PSA, phosphatases alcalines et créatinine) réalisé tous les six mois pendant deux ans, puis annuellement, complété d’une radiographie pulmonaire et d’un scanner osseux annuels, puis à la demande. Les examinateurs ont répertorié ensuite, pour analyse, les décès liés au cancer de la prostate, les décès non attribuables, les survenues de métastase ou de progression locale ; l’analyse de la cause des décès étant faite en simple aveugle. La durée moyenne du suivi est ainsi de plus de huit ans. Au terme de l’étude, contrairement aux résultats de 2002, la mortalité totale se révèle significativement plus basse parmi les patients opérés. La mortalité par cancer atteint 8,3 % en cas de chirurgie versus 14,4 % parmi les patients surveillés. Conformément aux prévisions, cette différence de près de six points est plus importante que celle observée après un suivi moyen de 6 ans (2 points). Les auteurs estiment que cet écart se majorerait encore si on prolongeait l’étude. En effet, la chirurgie permet de limiter la survenue de métastases (RR : 0,6) et de progression locale (RR : 0,33) qui précèdent généralement la mort liée au cancer. Cette diminution de la diffusion locale entraîne aussi une moindre morbidité (moins de douleur, de troubles mictionnels, d’anxiété) et un moindre recours aux traitements adjuvants hormonaux ou radiothérapiques qui ont leurs effets secondaires propres. Les auteurs précisent que le traitement hormonal, puisque moins prescrit dans le groupe chirurgie, ne majorerait pas les bons résultats obtenus.
La stratégie à adopter. Cette étude répond à des questions en même temps qu’elle en soulève d’autres. Il semble que la réduction de la mortalité par cancer soit essentiellement retrouvée chez les hommes de moins de 65 ans. Des études complémentaires sont nécessaires pour préciser l’intérêt d’une stratégie thérapeutique différenciée chez les sujets de plus de 65 ans. La stratégie combinant surveillance puis intervention en cas d’élévation des PSA mérite aussi d’être évaluée. En attendant, l’efficacité démontrée de la chirurgie sur la mortalité totale est déjà une information de poids lors de la discussion avec le patient de la stratégie à adopter après un diagnostic de cancer de la prostate. »

ANNE MOULIN

« New England Journal of Medicine »,
352; 19, 12 mai 2005, pp. 1977-1984

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